La méthode de la chaîne critique

Dans son ouvrage Le But, publié en 1984, Eliyahu Goldratt aborde pour la première fois le concept de théorie des contraintes (Theory Of Constraints [TOC]).

En 2002, dans son livre Critical Chain (La chaîne critique) aux éditions AFNOR, il adapte la théorie au management de projet. Il délivre un certain nombre de solutions pour stopper les écueils traditionnels de dépassement de budget et de coûts ou la diminution du périmètre initial.

Définition de la méthode de la chaîne critique

Cette méthode issue de la théorie des contraintes propose un concept structuré afin de traiter efficacement les dérives comportementales les plus usuelles. Cette approche augmente l’efficacité des équipes de projets et privilégie le respect du délai global du projet et non plus de chaque tâche.

Utilisation de la chaîne critique

La chaîne critique apporte des avantages indéniables dans le management multi-projets et dans la gestion des programmes. Cette technique est souvent comparée à une course de relais. Certaines ressources courent alors que d’autres attendent leur tour.

Le passage de relais permet une montée en vitesse de la prochaine ressource (les tâches démarrent au plus tôt et non pas au plus tard).

C’est une méthode pleine de bon sens qui nécessite toutefois un changement de paradigme de la part de certains managers de projet. En effet, l’un des points clés réellement original est d’éviter de protéger isolément chaque tâche d’un projet, mais plutôt, de sécuriser le projet dans son ensemble.

Démarche

L’approche chaîne critique peut se résumer en cinq principes directeurs.

  • Rationaliser la durée des tâches

Lors du processus d’estimation de la durée d’une tâche, on a tendance à prendre des sécurités. La durée est d’autant plus majorée que les références sont faibles (innovation) ou que les enjeux sont importants.

Quand vous demandez à une personne de s’engager sur un délai, celle-ci vous fournit le temps qui permette d’être sûr de réaliser la tâche à 80 %. Normalement, il serait bon de prendre une estimation qui donne une chance sur deux d’y arriver.

La méthode de la chaîne critique
Figure 1 – Probabilité qu’une estimation se réalise (selon une loi de distribution Béta)

Sinon la longueur du projet résultant excède le temps réellement nécessaire pour le réaliser.

Pour pallier à ce dysfonctionnement, la chaîne critique propose de diviser les évaluations temporelles par deux. Vous évitez ainsi le syndrome de Parkinson : les ressources utilisent tout le temps qui leur est alloué.

La chaîne critique propose de diviser les évaluations temporelles par deux. Il est inutile d’ajouter des marges de sécurité complémentaires

  • Éviter le multitâche et anticiper les conflits de ressources

Régulièrement, le processus de planification classique aboutit à des activités à mener en même temps pour une même ressource. La chaîne critique tente d’éviter ce phénomène en traitant en parallèle l’enchaînement des tâches avec la prise en compte des ressources les réalisant.

la chaîne critique
Figure 2 – Conséquence d’un traitement alterné versus séquentiel

Traiter des activités de manière séquentielle permet de livrer des résultats plus rapidement que l’alternance entre une activité puis l’autre comme le montre le schéma ci-dessus.

  • Protéger la durée du projet

Le projet global est protégé et non plus chaque tâche élémentaire. Un changement de culture et de paradigme est nécessaire.

L’analyse sur les projets montre que les retards sont autant liés à des décalages sur des tâches critiques qu’à des dépassements sur des tâches en dehors du chemin critique. Ainsi, la méthode protège le chemin critique en positionnant une réserve de temps projet (tampon projet aussi appelé « Buffer projet »). L

es chemins secondaires sont également sécurisés par des buffers auxiliaires, les empêchant d’entrer sur le chemin critique. Pour dimensionner cette réserve, Goldratt préconise de prendre la somme des durées des tâches du chemin critique et de la diviser par deux.

Le tampon projet a une durée équivalente au quart de la durée initiale du projet. On procède de même pour les buffers auxiliaires en prenant le quart de la somme des durées initiales de chaque chemin secondaire.

On évite les sécurités tâche par tâche pour globaliser au niveau du projet. La responsabilité de la tenue du planning projet incombe naturellement au chef de projet et non pas aux membres de l’équipe.

  • Piloter l’exécution et adapter son mode de pilotage

Le pilotage est plus réactif, en adaptant un management centré sur les réserves auxiliaires et projet. Quand on consomme un tiers de la réserve, on ne réagit pas. Quand on consomme entre un et deux tiers de la réserve, on met en place des actions correctives. Quand on consomme plus de deux tiers de la réserve, on met en place une cellule de crise car la durée du projet est compromise.

  • S’assurer de la disponibilité des ressources

De nombreuses activités sont en retard car la ressource en charge de sa réalisation n’était pas disponible au moment opportun. La chaîne critique propose un dispositif pour s’assurer de la disponibilité de la ressource.

Vous positionnez des « buffer ressources ». Tout comme le prochain coureur de relais se met en mouvement à l’approche du coureur ayant le témoin en main, une semaine avant le début de l’activité vous vous assurez que la ressource sera disponible pour effectuer ses travaux prévus.

Cette manière de travailler permet de faire face au « syndrome de l’étudiant » : la ressource démarre les travaux au dernier moment.

Le suivi s’effectue exactement comme pour la méthode du chemin critique.

Par contre la date de fin restera inchangée jusqu’à absorption totale du tampon de projet suite aux dépassements de délais.

Précautions

  • Le manager de projet se doit de maintenir une rigueur constante tout au long du projet et il devra identifier rapidement les contraintes et les communiquer avec efficacité.
  • Gardez l’esprit ouvert à d’autres méthodes de gestion de projet : tout ne peut pas être résolu avec la chaîne critique.
  • Il convient de constamment s’assurer qu’aucune tâche non critique ne le devienne au cours du projet.
  • La direction doit être impliquée et soutenir le projet.

Cette méthode entraîne un changement de culture, il convient d’accompagner les ressources du projet dans son application pour aider à faire évoluer certaines mentalités. Tous les acteurs doivent être convaincus sinon vous risquez d’avoir :

  • des personnes qui doublent leurs estimations habituelles ;
  • une direction qui compresse systématiquement les délais.
  • Les indicateurs sont focalisés sur l’avancement du projet au niveau de la chaîne critique seulement. On focalise le pilotage sur l’essentiel.

Avantages

Les avantages listés ci-après proviennent de retours d’expérience d’entreprises ayant appliqué cette méthode :

  • supprimer le multitâche et optimiser les travaux sur des projets en parallèle ;
  • diminuer l’incertitude dans la planification et l’estimation ;
  • réduire le temps de cycle projet par une planification et réalisation de projets dans des délais plus courts ;
  • augmenter le taux de projets terminés dans les temps ;
  • augmenter la capacité des ressources du projet en les affectant à des tâches de manière optimale ;
  • baisser le coût des pénalités de retard ;
  • augmenter le nombre de projets réalisés dans l’année.

Exemple d’application de la méthode de la chaîne critique

La gestion des tampons est un élément clé du suivi de la performance d’un projet selon la chaîne critique. Une approche très intéressante pour gérer les tampons consiste à diviser ceux-ci en trois zones de taille égale.

Par exemple, la première zone pourrait être de couleur verte (gris clair ici), la seconde de couleur orange (gris) et la troisième de couleur rouge (gris foncé). Si l’impact sur le tampon se limite à la zone verte, aucune action n’est nécessaire. Lorsqu’il atteint la zone orange, il faut évaluer le problème et réfléchir à une action. S’il atteint la zone rouge, il faut agir immédiatement.

exemple applicatif de la chaîne critique

Les plans d’actions doivent prévoir les moyens pour achever plus tôt les tâches non finalisées de la chaîne ou des options pour accélérer celles à venir afin de sortir de la zone rouge.

Appliquons cette méthode au management multi projets.

Vos ressources sont partagées parmi plusieurs projets. Une question se pose : « Sur quel projet mettre en priorité telle ou telle ressource ? ».

  • L’utilisation de Index Buffer (IB) = Consommation du buffet / Avancement du projet apporte une réponse efficace.
  • Par « avancement projet », on entend avancement du projet sur la chaîne critique.
exemple de la chaîne critique

La ressource sera affectée au projet ayant l’index le plus important (ici le numéro 1).

Sur un portefeuille projets ou un programme vous pouvez utiliser la représentation que l’on appelle « Fever Chart » :

exemple applicatif de la chaîne critique

Le positionnement des projets sur cette matrice donne une vision rapide des projets à mettre sous contrôle.

Si vous travaillez sur un seul projet : vous pouvez remplacer les projets par les phases du cycle de vie, par les activités durant une phase, etc. Ce graphique vous fournit ainsi la santé de votre projet.

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