Développement financier et croissance économique

Dans cet article on mettra l’accent sur les interactions entre le développement financier et la croissance économique en se basant sur la littérature théorique et empirique abordant ce sujet.

Tour d’horizon théorique sur la relation système financier / croissance économique

Le financement englobe toutes les procédures servant à financer des activités économiques. Le financement assure la mise à disposition des ressources financières nécessaires pour l’activité des agents économiques et l’allocation adéquate aux
besoins.

Pagano (1993) identifie trois canaux de transmission entre le développement des marchés des capitaux et la croissance économique à long terme :

  • Un accroissement de la proportion de l’épargne transmise au financement de l’investissement, par la baisse des coûts de transaction impliqués dans la collecte de l’épargne et dans son allocation à l’investissement, qui s’interprètent comme la perte d’une partie de l’épargne dans le processus d’intermédiation ;
  • Un accroissement de la productivité marginale sociale du capital, car un système financier performant alloue l’épargne vers les projets les plus rentables ;

Le développement d’instruments d’épargne fiables et efficace et la rémunération de l’épargne peuvent conduire à la hausse du taux d’épargne.

Mais le développement financier peut aussi réduire l’épargne : des ménages mieux assurés, par exemple, peuvent réduire l’épargne de précaution. Le développement financier relâche aussi la contrainte de liquidité à laquelle les ménages font face et permet un lissage de la consommation, ce qui peut également conduire à une baisse du taux d’épargne.

Ces effets de l’organisation financière ont pour conséquence d’accroître à la fois, le niveau et la productivité du capital, donc la croissance de l’économie, selon un enchaînement que l’on peut résumer par le schéma suivant :

Développement financier et croissance économique
Schéma : Relation entre efficacité du système financier et croissance économique

En supposant qu’il existe une proportionnalité entre le stock de capital et le niveau de production, on parvient à justifier qu’une amélioration de l’efficience du système financier engendre un accroissement du niveau de production ce qui génère une augmentation de l’épargne, qui accroît à nouveau le stock de capital … et ainsi de suite.

De sorte que le taux de croissance devient endogène aux caractéristiques de l’économie et particulièrement à celles du système financier.

Dans sa conclusion, Pagano (1993) propose que le développement financier a toujours un effet positif sur la croissance économique. Néanmoins, il prétend qu’il y a des exceptions à cette relation. Les améliorations dans la répartition du risque et dans le marché des crédits aux ménages peuvent baisser le taux d’épargne et par-delà le taux de croissance.

Fonctions des marchés des capitaux et la croissance économique : quelles articulations ?

Le marché des capitaux désigne l’ensemble des intermédiaires et des marchés financiers, mais aussi des mécanismes institutionnels (réglementations, systèmes de compensation, régime de change, etc.) qui rendent possibles les échanges financiers et qui participent à leur bon déroulement.

Levine (2005) appelle développement financier le processus par lequel les instruments, marchés et intermédiaires financiers améliorent le traitement de l’information, la mise en œuvre des contrats et la réalisation des transactions, permettant ainsi au système financier de mieux exercer ses fonctions.

D’après Demirguc-Kent et Levine (2008), le développement financier n’est pas simplement le résultat de la croissance économique, mais contribue également à cette croissance. Autrement dit, il existe une relation de causalité bidirectionnelle entre la finance et la croissance.

Cinq fonctions identifiées par Levine affectent la croissance économique par le biais de l’accumulation du capital ; de l’innovation technologique et de la gestion de risque :

Ajustement des capacités et des besoins de financement

Pour financer leurs achats de biens d’équipement durables, de bâtiment, de logement (investissement) et leurs achats d’actifs financiers (placement), les agents économiques se procurent les capitaux dont ils ont besoin, en recourant aux différentes sources de financements.

En premier lieu, ils vont autofinancer leurs achats d’actifs c’est-à-dire utiliser leur épargne brute (bénéfice non distribué des sociétés, épargne accumulée des ménages). Ce financement interne n’est toutefois pas suffisant pour les entreprises et les administrations publiques qui ont des besoins de financement car leurs investissements dépassent leur capacité d’épargne.

En conséquence, ils vont recourir au financement externe c’est-à-dire au système financier qui est composé des banques, des institutions de crédit et des marchés financiers. Ces institutions vont mettre en contact les agents qui disposent de capacités de financement et ceux qui ont des besoins de financement. Cette seconde source de financement utilise deux types de canaux :

Dans le financement externe direct, les agents économiques se rencontrent sur le marché des capitaux.

Ceux qui ont des besoins de financement émettent des titres de propriété ou de créance qui sont achetés par ceux qui ont des capacités de financement. Le prix de ces titres sont fixés à la rencontre de l’offre et de la demande des fonds prêtables.

Dans le financement externe intermédié ou indirect, les banques collectent les dépôts à court et long terme de ses clients qu’elles vont prêter à ceux qui ont besoin de capitaux. Cette mise à disposition de capitaux va être rémunérée par un intérêt qui est le prix de la monnaie et de renonciation à une utilisation immédiate de cet argent.

Enfin, si ces fonds prêtables sont insuffisants pour financer les achats d’actifs des agents économiques, le bouclage du financement peut se faire par de nouveaux moyens de paiements, résultant de la création monétaire du système bancaire (banque de second rang et banque centrale).

Fonctions des marchés des capitaux et la croissance économique  quelles articulations
Schéma : Ajustements des capacités et des besoins de financement dans une économie

Facilitation des échanges de biens et services

Le système financier facilite les échanges de biens et services en réduisant les coûts de transaction et d’accès à l’information associés à ces échanges. Son rôle se compare à celui de la monnaie, qu’il approfondit, notamment en facilitant les paiements et en apportant une dimension inter-temporelle par l’accès au crédit.

Le lien avec la croissance passe par l’interaction entre le développement des échanges et la spécialisation, l’efficacité productive et l’innovation, très étudiée par ailleurs dans la littérature économique.

Cette interaction se produit autant au niveau national qu’au niveau international, le développement des échanges ayant contribué à la mobilité des capitaux, qui, à son tour, nourrit la vigueur du commerce international.

Le bilan en termes de croissance dépend cependant de la façon dont cette interaction engendre un processus efficace d’allocation des ressources.

Mobilisation et collecte de l’épargne

Le rôle du système financier dans la mobilisation et la collecte de l’épargne se comprend aisément. Il permet en effet de constituer un stock de ressources financières à partir de la contribution non coordonnée d’un grand nombre d’épargnants, ce qui génère des coûts de transactions importants.

Il assure aussi une fonction essentielle de garant de la confiance nécessaire pour que chaque épargnant soit prêt à confier son épargne, rôle qui relève du traitement de l’information mentionné ci-dessus.

Ce rôle est assuré aussi bien par les marchés que par les intermédiaires financiers : les marchés financiers proposent dans un contexte institutionnel encadré par des autorités de régulation divers véhicules, qu’il s’agisse de placements en actions, obligations, différents types de produits ou de fonds communs de placement ; les intermédiaires financiers attirent l’épargne par la réputation qu’ils acquièrent dans leur capacité à faire fructifier cette épargne, dans un contexte également régulé, et assorti de diverses garanties des dépôts, susceptible de rassurer l’épargnant.

Cette fonction est au cœur du premier canal de transmission vers la croissance noté par Pagano et affecte directement l’accumulation du capital d’une part, mais aussi la disponibilité de volumes importants d’épargne susceptibles de financer l’innovation ou des investissements massifs nécessaires à l’exploitation de rendements croissants.

Production d’information sur les investissements envisageables et l’accumulation du capital

Ce rôle dans l’accumulation du capital prend cependant tout son sens avec la troisième fonction, qui porte sur l’acquisition d’une information suffisante et de qualité concernant la profitabilité des projets d’investissement ou la capacité des agents à s’endetter. En l’absence de cette information, l’accumulation de capital peut s’avérer inefficace et nuire à la croissance à long terme.

Le problème d’asymétrie de l’information est ici déterminant, car seul le débiteur potentiel connaît a priori sa capacité à rembourser un emprunt. L’acquisition de cette information de la part des créanciers est coûteuse, et ce coût peut être mutualisé. Elle est essentielle pour que le système financier soit capable d’orienter l’épargne vers les utilisations les plus rentables.

Les intermédiaires financiers, par exemple, ont un rôle majeur à jouer en permettant une meilleure analyse des projets d’investissements et des entreprises, contribuant ainsi à l’identification des meilleurs projets, au financement des entreprises les plus profitables, et donc à l’efficacité de l’allocation des ressources, à la productivité et à la croissance.

Répartition, diversification des portefeuilles et gestion du risque

Les systèmes financiers facilitent également la gestion et la diversification du risque en permettant aux épargnants de détenir des portefeuilles d’actifs diversifiés. Cela permet à des agents averses au risque d’être prêt à investir dans des projets plus risqués, dont la rentabilité est plus forte. On peut donc en attendre un effet bénéfique sur la croissance à long terme.

Au-delà de cet effet de diversification, les marchés des capitaux permettent aussi la gestion du risque en fonction de la liquidité, c’est-à-dire de la possibilité de convertir des instruments financiers en pouvoir d’achat prévisible dans des délais brefs. Lorsque les instruments sont liquides, les investisseurs peuvent être prêts à détenir ces instruments (actions, obligations, dépôts bancaires) alors même qu’ils servent à
financer des investissements risqués à long terme.

En facilitant les transactions sur les instruments financiers, les marchés réduisent le risque de liquidité susceptible de rendre les investisseurs plus frileux. C’est l’une des clefs du financement de l’innovation. La liquidité des marchés des capitaux peut ainsi contribuer à ce que les décisions prennent davantage en compte le long terme.

III -/ Les limites du développement financier

La grande majorité des recherches récentes, aussi bien théorique qu’empirique, démontre l’existence d’un lien positif entre le développement du système financier et la croissance économique à long terme. Ainsi, les intermédiaires financiers –les banques et les marchés boursiers– peuvent réduire les coûts d’acquisition et de traitement d’information.

De plus, ils peuvent examiner les projets ayant les meilleures chances de réussir, ce qui améliore l’allocation des ressources (Levine, 2005). Par ailleurs, le système financier mobilise l’épargne pour financer les projets prometteurs, ce qui contribue au développement économique.
Toutefois, il est possible de considérer des limites qui ont des effets négatifs du développement du système financier sur la croissance économique :

Rajan et Zingales (2003) montrent qu’un système financier bancarisé peut conduire à une croissance de long terme, mais, sous-optimale en mettant en avant la préservation de relations de long terme et d’interconnexions avec le secteur privé à la seule efficacité économique.

Les banques sont exigeantes en matière de prise de risque (elles adoptent, ainsi, la sélection des investissements ce qui limite la création
de richesse), tandis qu’un système de marché (vue son niveau de liquidité élevé conjugué à la diversification) est plus à même de sanctionner les entreprises défaillantes en cas de détournement des conditions du maché vers des situations défavorables.

Hung (2009) propose une théorie selon laquelle, tandis que le crédit aux projets d’investissement soutient la croissance, celui octroyé à la consommation exerce en fait une influence négative sur cette dernière. Ainsi, l’impact du crédit sur la croissance dépendrait du poids relatif de ces deux types de crédit.

Or, dans les pays où le système financier est peu développé, son émergence permet à l’économie de s’approcher de sa frontière de capacités de production via le soutien à l’investissement. Mais, une fois cette frontière atteinte, le développement financier s’effectue plus facilement via le crédit à la consommation, grevant ainsi les effets bénéfiques du système financier jusqu’à les annuler voire les rendre négatifs.

Brunnermeier et Pedersen (2009) montrent que combinée à la volatilité, la liquidité des marchés peut provoquer des spirales de pertes, un décrochage de cours pouvant d’autant plus facilement s’amplifier que le marché est liquide, puisque les investisseurs peuvent plus facilement revendre leurs positions, amplifiant la baisse des cours et ainsi de suite.

Demirguc-Kent et Levine (2011), suggèrent que le rôle des financements de marché est d’autant plus prépondérant que le niveau de développement d’une économie est élevé, suggérant un schéma de développement pour les économies les moins avancées dans lequel la priorité doit d’abord être mise sur le secteur bancaire, puis dans un second temps sur les marchés financiers.

Arcand (2012) trouve qu’indépendamment de la volatilité de l’activité économique, des crises bancaires, de la qualité des institutions ou de la régulation du secteur bancaire, la relation entre finance et croissance devient significativement négative lorsque le crédit au secteur privé dépasse les 150 % du PIB.

Car un niveau d’endettement élevé limite la capacité des entreprises, du secteur privé, à négocier de nouvelles dettes, et par conséquent limite leur création de richesse, sans oublier qu’un niveau d’endettement haut implique une incapacité de remboursement (risques d’insolvabilité et de faillite)

Conclusion

En résumé, le développement financier peut contribuer positivement à la croissance économique en favorisant l’investissement, l’innovation et l’efficacité de l’allocation des ressources.

Cependant, il peut également présenter des risques, tels que l’instabilité financière et la concentration excessive du pouvoir économique.

Il est donc important de promouvoir un développement financier équilibré et inclusif, en mettant l’accent sur la réglementation efficace, la supervision prudentielle, la concurrence et l’éducation financière.

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