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La diffusion de l’innovation

Initialement utilisé dans le domaine médicale pour étudier comment un virus ou une épidémie se propage au sein d’une société, la science de diffusion à subit une transposition au domaine de l’économie à partir des années 50, afin d’analyser comment une nouveauté de façon générale, et une innovation de façon plus spécifique, de transmet dans un marché.

Dans cet article, nous allons exposer successivement les différents modèles qui traitent de la diffusion de l’innovation.

Le modèle épidémiologique (E. Rogers)

Introduite dans son livre « Diffusion of Innovations » en 1962, cette théorie de la diffusion des innovations reste une des références aujourd’hui. E.M. Rogers a modélisé ce processus par une courbe de diffusion (dite courbe en S ou courbe en cloche) en y associant les différents profils de consommateurs correspondant aux différentes phases du processus d’adoption.

Le challenge étant d’arriver à passer d’un marché de niche (innovateurs et premiers adeptes) à un marché de masse (majorité avancée et retardée) qui représente plus de 60 % du marché potentiel.

La diffusion de l'innovation
Source: E.M. Rogers, diffusion of innovations, The Free Press. 1962. P : 162

La courbe d’adoption des produits nouveaux divise donc les consommateurs en 5 catégories, selon leur intérêt et leur rapidité à acheter un produit nouveau. Ces types de clients sont les suivantes :

Les innovateurs sont les plus sensibles à l’innovation. Ce sont les premiers clients d’une nouveauté dès leur sortie. Ils réalisent leurs achats sans avoir besoin de consulter les avis d’autres utilisateurs. Ces clients aiment partager leur expérience avec les autres sur une nouveauté quelconque. Les innovateurs représentent seulement 2,5% de la population ;

Les Premiers adeptes achètent rapidement un produit innovant. Ce sont des personnes qui aiment les nouveautés, ils les essayent et donnent leurs opinions. Ces clients représentent statistiquement 13,5% de la population.

La Majorité précoce regroupe les clients réfléchis. Ils attentent les retours des premières expériences avant d’acheter un produit nouveau. Cette population représente 34% ;

La Majorité tardive attend que le produit soit employé par une grande population. Ils veulent des preuves de performance. Ils sont très influencés par avis des autres utilisateurs. Ils représentent aussi 34% de la population ;

Les Retardataires sont les derniers à accepter une innovation. Ce sont les clients les plus rationnels. Ils n’achèteront les produits nouveaux que quand ces derniers ont été testés et devenus courants ou même une « tradition ». Les retardataires sont de 16% de la population.

En 1991, La courbe à subit un renouvellement de la part de Geoffrey Moore a introduit dans un nouveau terme « the chasm ». Il s’agit un passage entre les premiers adeptes et la majorité précoce.

Ce passage est essentiel car c’est là où l’innovation sort de son marché niche et entre dans un marché de masse. L’innovation échoue si elle ne dépasse pas le seuil critique des innovateurs et les premiers adeptes.

Source: Geoffrey Moore, Crossing the Chasm

Les déterminants de la diffusion de l’innovation

Le modèle classique c’est aussi intéressé à la question de la vitesse de diffusion d’une innovation, en identifiant deux types de facteurs qui garantissent à la fois la réussite de la diffusion de l’innovation et conditionnent la vitesse de transmission de cette dernière, à savoir les facteurs endogènes et les facteurs exogènes.

Les facteurs endogènes :

Correspondent aux caractéristiques intrinsèques du produit ou service qui influencent la vitesse de diffusion de l’innovation. Ils dépendent donc : de la qualité du produit et ses caractéristiques techniques d’une part ; et de la pertinence du mix marketing établi pour introduire le produit innovant sur le marché d’autre part.

Everett Rogers a ainsi identifié cinq qualités qui déterminent le succès de la diffusion d’une innovation, et qui expliquent entre 49 et 87 % de la variation de l’adoption de nouveaux produits.

  • L’avantage relatif correspond à la perception par les consommateurs que l’innovation est meilleure ou plus performante que les solutions existantes. Cette « performance » est mesurée sur les attributs de l’innovation qui compte pour les consommateurs comme le gain financier ou le prestige social. Ce facteur et très lié à la perception particulière et aux besoins de chaque groupe de consommateurs ;
  • La compatibilité de l’innovation avec les valeurs et pratiques existantes des consommateurs potentiels influe également la rapidité d’adoption d’une innovation. Elle correspond au degré d’adéquation entre les valeurs et les pratiques des consommateurs potentiels et celles nécessaires à l’utilisation de l’innovation ;
  • La simplicité et facilité d’utilisation de l’innovation que perçoivent les consommateurs potentiels peut également représenter un frein ou un catalyseur à sa diffusion. En effet, une innovation qui nécessite un apprentissage sera plus lente à se diffuser que si elle ne requiert pas le développement de compétences spécifiques ;
  • La possibilité d’essayer l’innovation peut faciliter son appropriation par les usagers et ainsi favoriser le bouche à oreille et diminue l’incertitude et donc le risque qui l’entoure ;
  • L’observabilité des résultats est également un facteur déterminant dans la diffusion des innovations puisqu’il permet de prouver plus facilement le ou les avantages de l’innovation. Des résultats visibles par les consommateurs potentiel réduisent l’incertitude perçu et facilite le bouche à oreille.

Les facteurs exogènes :

La seconde catégorie de facteurs qui peuvent influencer la diffusion d’une innovation est les facteurs dit « exogènes », c’est-à-dire qui ne sont pas liés à l’innovation elle-même mais à l’environnement dans lequel elle s’insère. Ces facteurs sont l’une des caractéristiques les plus marquantes des industries de haute technologie et des technologies de l’information.

En effet, dans ces industries, l’environnement de l’innovation joue un rôle décisif puisque la valeur globale de l’innovation augmente avec le nombre d’utilisateurs ou le nombre de biens complémentaires disponibles. Cette caractéristique est appelée « effet de réseau ».

On distingue deux types d’externalités de réseau :

  • Les externalités directes, c’est-à-dire le fait que le nombre d’utilisateur d’un bien ou service (appelé « base installée ») augmente la valeur de celui-ci pour les utilisateurs potentiels ;
  • Les externalités indirectes, correspondent au nombre de biens complémentaires disponibles sur le marché (exemple : les jeux vidéo pour une console de jeux) augmente également la valeur de l’innovation.

Ainsi, la valeur perçue d’une innovation par les utilisateurs influence la vitesse à laquelle elle se diffusera dans la société. Cette valeur dépend elle-même de facteurs qui peuvent être endogènes à l’innovation (avantage relatif, compatibilité avec les valeurs et pratiques existantes, simplicité d’utilisation, possibilité de l’essayer et visibilité des résultats), ou exogènes à l’innovation (taille de la base installée et disponibilité de biens complémentaires).

Le modèle sociologique (M. Callon)

Visant le renouvellement de la vision classique, ce courant cherche à instaurer une vraie sociologie de l’innovation à travers deux postulats de base :

  • Il est impossible de séparer la conception de la diffusion, c’est-à-dire le technique du social, car le contenu de l’innovation et donc sa réussite, dépendent largement du contexte où elle va être diffusée ;
  • L’activité innovatrice ne doit pas être considérer comme un acte d’individus isolés mais plutôt d’une combinaison de facteurs humains, techniques et financiers…

Pour ce courant, l’innovation est fortement influencer par les facteurs sociaux qui interviennent dans sa construction de son contenu. Ils vont plus loin est affirment que les facteurs sociaux priment sur la logique interne de l’entreprise et son département de recherche et développement, et c’est là qu’apparaît la notion de l’opportunité de l’innovation.

Il faut donc chercher l’adéquation entre l’objet de l’innovation et son environnement afin de garantir la standardisation du contenu technique de l’innovation et son adoption par le marché.

La force de l’innovation n’est plus dans ses facteurs intrinsèques mais plutôt dans sa capacité à séduire et faire adhérer les consommateurs.

Cette force est construite à travers la construction et la mobilisation d’un « réseau » qui
regroupe à la fois un ensemble d’acteurs et un ensemble de techniques.

C’est ainsi que lors de la conception de l’innovation, l’innovateur doit s’interroger sur les acteurs (clients, fournisseurs, distributeurs…) qui peuvent agir sur son innovation, puis va petit à petit nouer des relations entre les acteurs humains (fabricants de composants, fabricants de bien complémentaires…) et non humains (technologies disponibles, normes, standards…) ce qui va apporter à l’innovation des opportunités de développement (contrats, partenariats, soutiens de l’état…) et des menaces (respect des cahiers des charges, alignements aux standards existants…). C’est ainsi qu’un réseau de créer et aide à promouvoir l’innovation.

L’exemple far de ce modèle est la Silicon Valley, le lieu le plus fertile à l’innovation depuis le début des années cinquante. C’est un véritable réservoir d’experts, a qui toutes les conditions sont favorable à l’innovation : Coopération, mobilité du personnel, diffusion rapide de l’innovation, faciliter d’accès aux financements des projets innovants…

Théorie des innovations managériales (E. ABRAHAMSON)

E.ABRAHAMSON est l’initiateur de la théorie des modes managériales qui met en relief l’effet du mode sur la diffusion des innovations managériales.

Un mode managérial est défini comme une croyance collective relativement transitoire, disséminée par des fashions-setters, c’est-à-dire une technique managériale qui conduit à un progrès managérial.

ABRAHAMSON met l’accent sur la perspective du choix efficient qui représente la perspective dominante dans la littérature sur la diffusion des innovations en raison des deux hypothèses sous-jacentes à cette perspective qui renforcent le préjugé pro-innovation qui laisse croire que l’adoption d’une innovation est nécessairement bénéfique pour une organisation, ce qui conduit à la diffusion d’innovation techniquement efficientes et au rejet d’innovations techniquement inefficientes.

Face à cela, E.ABRAHAMSON propose deux contre-hypothèses :

  • Les décisions d’adopter une innovation managériale d’un groupe d’organisations sont influencées par d’autres groupes externes comme les organismes de régulation ou les consultants ;
  • Les objectifs derrière l’adoption ne sont pas clairs comme le suppose la perspective du choix efficient car l’incertitude règne quant à l’efficience de l’innovation managériale à adopter.

Ces deux hypothèses fondent trois perspectives avançant que l’imitation favorise la diffusion
des innovations managériales.

Ce sont les acteurs qui font la promotion d’une mode managériale, il s’agit de consultant.

1- Perspectives explicatives de la diffusion

La diffusion de l’innovation managériale se fait à travers trois perspectives majeures qui décrivent comment une organisation peut ou doit adopter une innovation managériale.

  • Perspective du choix efficient :

Les organisations sont rationnelles dans leurs choix et connaissent parfaitement leurs objectifs, de plus elles font appels à la notion de l’écart de performance qui représente l’écart entre les objectifs de l’organisation et les performances obtenues en réalité. Donc selon cette perspective les innovations managériales se diffusent parce qu’elles permettent de réduire ou
de faire disparaître ces écarts de performance.

  • Perspective de sélection forcée :

La diffusion des innovations se fait sous l’impulsion d’organisations qui ont le pouvoir de forcer son adoption par un autre groupe d’organisations. Il s’agit par exemple des pouvoirs publics qui ont le pouvoir légitime d’adoption d’une pratique managériale. Selon E. ABRAHAMSON les organisations qui ont un pouvoir peuvent forcer la diffusion d’innovations techniquement inefficientes comme elles peuvent pousser d’autres organisations à rejeter des innovations techniquement efficientes.

En effet dans cette perspective une ou un groupe d’organisation n’ont pas le choix d’adopter ou non une innovation car cela est dicté par une ou plusieurs organisations à l’extérieur de ce groupe ayant un pouvoir d’imposer l’adoption ou le rejet de celle-ci. Cela contredit la perspective du choix efficient qui suppose l’indépendance dans la décision d’adoption ou de rejet d’une innovation.

  • Perspective « Fashion » :

Les organisations sont dans une situation d’incertitude quant à leurs environnements, aux objectifs poursuivis et à l’évaluation de l’efficience des innovations managériales disponibles sur le marché.

De ce fait, les organisations ont tendances à imiter des modèles élaborés par des « fashions-setters » qui inventent et diffusent des innovations managériales.

Dans cette perspective on met l’accent sur l’imitation et sur l’influence externe. La diffusion des innovations managériales se fait à travers un processus d’imitations des modèles promus par les « fashion-setters » qui sont des acteurs externes à l’organisation en question et qui
exercent une influence sur celui-ci en mettant en place des modes managériales.

Le processus de diffusion des innovations selon E. ABRAHAMSON

Le processus de diffusion des innovations managériales se déroule dans quatre phases : la phase de création des innovations managériales, la phase de sélection des innovations à promouvoir, la phase d’élaboration d’une rhétorique pour ces innovations et en fin la phase de diffusion.

  • La création d’une innovation managériale est la première phase du processus. Elle consiste à l’élaboration d’une innovation managériale qui constitue une amélioration par rapport à l’état actuel. L’acte d’invention est souvent de l’ordre des managers et parfois de celui des créateurs de mode comme les consultants, les managers, les écoles de commerce. Il peut s’agir d’une simple réinvention d’anciennes inventions managériales ;
  • La sélection d’une innovation managériale consiste à sélectionner parmi les inventions managériales existantes celles répondant à la demande des usagers potentiels. Si la création est souvent de l’ordre des managers cette phase est de l’ordre des créateurs de mode qui l’assurent de deux manières :

– La première consiste à identifier d’abord la nature de la demande que les praticiens ont, et choisir ensuite l’invention managériale qui y correspond le mieux afin de satisfaire cette demande qui naît souvent suite à des changements dans l’environnement causant des écarts de performance.

– La seconde manière consiste plus à influencer le goût des usagers potentiels des inventions managériales, cela se réalise lorsque des innovations managériales se diffusent donc la demande pour de futures inventions. Les créateurs de mode anticipent en quelque sorte les inventions qui seraient demandées ce qui guide leur sélection des inventions à promouvoir ;

  • L’élaboration d’une rhétorique est la troisième phase. Elle consiste à élaborer des discours des créateurs de mode managériales afin de persuader et séduire les suiveurs de mode de la rationalité de celles-ci et du progrès et qu’elles sont capables de réaliser et de réduire les écarts de performance dont souffrent les entreprises.
  • La dissémination est la dernière phase de processus. Elle consiste à diffuser auprès des utilisateurs potentiels de l’invention managériale des rhétoriques élaborées par les créateurs de mode. L’objectif ici est de transformer ces inventions managériales en des objets de mode ce qui favorisera leur diffusion.

Conclusion

La diffusion est un thème qui a fait couler beaucoup d’ancrer et les modèles de diffusion de l’innovation sont nombreux et diffèrent selon le contexte et son évolution.

La diffusion est passée par une notion qui traite uniquement de l’innovation technologique et les différents types de consommateurs qui l’adopte, à une diffusion plus réaliste qui intègre le facteur humain dans l’élaboration et la mise en œuvre de l’innovation à travers la création de réseaux qui favorise l’innovation. Pour enfin se concentrer sur l’innovation managériale qui était inexistante jusqu’à une certaine époque.

Une fois la diffusion et les différents modèles exposés, il est primordial de s’intéresser sur la question de protection de l’innovation ici.

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