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L’individu dans l’organisation

« Les deux choses les plus importantes n’apparaissent pas au bilan de l’entreprise : sa réputation et ses hommes. »

HENRY FORD.

On entend souvent dire que le fondement de l’entreprise est le profit. Les scandales financiers (Enron, Worldcom, etc.), la montée des revendications demandant aux entreprises de se montrer plus citoyennes ou encore les nouvelles législations encourageant le développement durable ont pourtant apporté une nouvelle perspective à cette affirmation et semblent donner aujourd’hui raison aux propos visionnaires d’Henry Ford

La recherche en gestion a tenté de dépasser la vision déshumanisée de l’entreprise et ouvert peu à peu la « boîte noire » que celle-ci constituait dans la théorie économique classique, en s’intéressant en particulier à son contributeur le plus élémentaire mais aussi le plus essentiel : l’individu.

Partant du principe que gérer et diriger les hommes nécessite au préalable de les comprendre, cet article propose de retracer les grandes lignes de la recherche sur le comportement des individus dans l’organisation en partant de la relation suivante dite « équation de la performance individuelle » :

D’après cette « équation », la performance est fonction des attributs individuels, du soutien organisationnel et de l’effort de travail, les trois composantes interagissant les unes avec les autres.

Comment faut-il manager l’individu ? Expliciter ce que sont les attributs individuels, voir comment ceux-ci influent sur l’effort de travail mais également suggérer certaines façons d’agir sur ces attributs en bâtissant un contexte organisationnel favorable, tels sont les objectifs de cet article.

Manager l’individu

Un individu dans une entreprise est un rouage nécessaire du fonctionnement général ; il doit coopérer pour travailler avec les autres membres de l’organisation mais il n’en conserve pas moins ses valeurs et ses objectifs, sa sensibilité et ses comportements, face aux différentes situations dans lesquelles il va se trouver.

Il doit réaliser ses buts, se sentir reconnu et valorisé tout en s’intégrant dans un groupe qui peut avoir d’autres orientations et d’autres comportements.

Il faut donc tenir compte du rôle de l’individu dans l’organisation, de sa responsabilité mais aussi analyser les influences de l’organisation sur l’individu.

Le rôle, le comportement, et la perception de l’individu dans nos organisations modernes posent certains problèmes. Par exemple, l’individu est-il responsable de ses gestes au sein d’une organisation ou est-ce l’organisation elle-même qui doit porter le blâme des gestes
posés ? Certains analystes perçoivent l’organisation comme néfaste à l’individu. Au sein de larges organisations, l’homme perdrait-il son individualité ? Que reste-t-il de l’individu une fois qu’il intègre une organisation ?

Les différents angles d’approche de l’individu

Aujourd’hui, pour comprendre les attitudes et les comportements des individus en tant que tels et dans une organisation, il est nécessaire de croiser plusieurs domaines :

  • la physiologie humaine : les comportements sont fonction des besoins biologiques de l’homme ; il s’agit donc pour les entreprises de les prendre en compte dans les conditions de travail pour limiter les accidents, les maladies, la fatigue ;
  • la psychologie humaine : ce domaine d’analyse essaie de comprendre les mécanismes qui enclenchent les comportements pour remédier aux dérives ; la psychologie délimite des « normes » qui sont des modèles de conduite dans un système de valeurs accepté par une société : le « normal » renvoie à des règles, à des conventions, nécessaires au sein d’une organisation qu’un manager utilise pour « cadrer et recentrer » les comportements des acteurs. Bien sûr, toutes les variations par rapport aux normes ne relèvent pas de mesures coercitives ;
  • la sociologie : l’étude des sociétés et des mécanismes qui amènent les individus à adopter tel ou tel comportement permet de mieux comprendre les réactions des acteurs au sein des organisations, en fonction du contexte et du cadre social de l’entreprise.

Ainsi, la personnalité, les attitudes individuelles et collectives des acteurs, mieux comprises et analysées, peuvent être gérées et canalisées.

Le rôle de l’individu dans l’organisation

De manière formelle

On assigne à tout individu acteur d’une organisation, une place avec un rôle, des tâches et une certaine étendue de responsabilité :

  • fonctions, tâches : ensemble d’opérations, de réflexions et d’actions liées à un domaine de la gestion (par exemple, commercial ou financier) nécessaire pour la réalisation de l’activité de l’entreprise, en liaison avec d’autres fonctions ;
  • responsabilité : délimitation d’une zone d’activité, de travail dans laquelle l’individu possède une marge de manœuvre pour décider et agir seul et avec l’équipe qu’il dirige ;

l’individu responsable devra rendre compte de ses résultats, justifier de ses choix pour conserver la confiance accordée et poursuivre son action.

Cette description objective rationnelle n’est pas suffisante pour expliquer la réalité du comportement des acteurs au sein des organisations.

De manière réelle

Les analyses menées depuis une cinquantaine d’années mettent en évidence les dimensions sociologique et psychologique des individus :

  • ce sont les individus qui, au sein des organisations, quelle que soit leur fonction assignée, décident, agissent et déterminent les résultats et la performance de l’entreprise ;
  • les choix des individus sont fonction de leurs valeurs. Il faut tenir compte de l’identité, de la personnalité des individus, pour comprendre leurs attitudes et leurs comportements réels, au-delà de ce que l’on attend « théoriquement » d’eux ;
  • la participation des individus à une organisation se fait sur une base volontaire, plus ou moins influençable. Pourquoi un individu accepte-t-il de participer volontairement à une action dans une organisation ? Il s’engage pour des motifs personnels de salaire, de profit, de reconnaissance, de pouvoir…, car l’organisation lui permet de satisfaire ses désirs ;
  • les individus participeront à l’organisation s’ils estiment qu’elle sert leurs objectifs et leurs intérêts et s’ils estiment que les bénéfices retirés de cette participation sont plus élevés que ses coûts ;
  • les individus agissent en fonction de l’information limitée qu’ils ont et de leurs représentations qui peuvent s’avérer inefficaces pour leur intérêt.

Il faut aussi tenir compte des interactions entre l’individu et l’organisation.

Un individu au sein d’une organisation se construit, au fur et à mesure du temps, des situations et de l’expérience, un réseau de relations, des habitudes et des comportements qui peuvent être un peu « décalés » voire « déviants » du cadre qui lui a été fixé.

Par exemple, M. Crozier explique très bien que, si un acteur délaisse une partie de son pouvoir ou de son autorité, il se crée des zones d’incertitude « récupérables » par d’autres acteurs comme leviers de pouvoir.

Une zone d’incertitude est une partie d’un domaine, d’une activité, d’un service qui comporte des indéterminations d’ordre technique ou commercial ou financier ou humain ; nécessairement, l’acteur qui maîtrise un peu mieux une zone d’incertitude par ses compétences, son expérience, détient alors une source de pouvoir qu’il peut utiliser pour ses intérêts ou ceux de l’organisation.

Le rôle de l’individu dans l’organisation est donc difficile à appréhender sous toutes ses dimensions et n’est donc pas neutre pour l’efficacité de l’entreprise.

Attributs individuels et comportements

Il existe un nombre considérable d’ouvrages sur ce qui fonde l’identité d’un individu : des essais philosophiques (Locke, Leibniz) aux recherches scientifiques.

Qu’il s’agisse du sexe, de l’origine géographique et culturelle, de l’histoire personnelle, du milieu social, etc., il semble bien difficile de lister de façon exhaustive l’ensemble des éléments qui définissent cette identité.

Dans un effort de synthèse, Nunnally (1978) a entrepris une typologie générale de ces traits qui peut être graphiquement représentée comme suit :

Nous proposons dans les paragraphes suivants d’expliciter chacun de ces éléments.

Valeurs

« Les valeurs ne sont pas juste des mots, elles sont ce par quoi et pour quoi nous existons ; elles sont les causes que nous défendons et ceux pour qui nous nous battons. »

John Kerry, candidat démocrate à la présidentielle américaine de 2004.

Les propos de John Kerry n’ont peut-être pas suffisamment convaincu les électeurs américains mais ces quelques mots résument néanmoins assez bien la notion de valeurs.

Les valeurs représentent l’ensemble des évaluations et jugements internes de ce qu’une (ou plusieurs) personne(s) considère(nt) comme positif, utile ou important ; la distinction entre le juste et l’injuste, le bien et le mal.

Comprendre les valeurs qui animent ses collaborateurs est important du point de vue du manager car elles guident le comportement des individus.

Les types de valeurs sont multiples mais l’on peut retenir en particulier les six catégories (déjà anciennes) de Allport, Vernon et Lindzey (1931, 1960), ensuite reprises et commentées par une large part de la littérature (Rokeach, Schwartz) :

théorique (ouverture au changement, soif de découverte, etc.), économique (rapport à l’argent, importance des récompenses pécuniaires, etc.), esthétique (intérêt pour le beau, l’art, etc.), sociale (intérêt pour l’humain, la relation), politique (intérêt pour le pouvoir) et religieuse (intérêt pour le mystique, la métaphysique).

Notons que les valeurs fluctuent bien évidemment d’un individu à l’autre en fonction d’un grand nombre de facteurs dont l’âge, l’éducation, le cadre familial ou bien encore la culture.

Notons par ailleurs que ce dernier critère, l’influence de la culture (nationale ou d’entreprise), a été l’objet d’un nombre particulièrement important de recherches dont celles d’Hofstede sur les différences nationales (individualisme/collectivisme, distance de pouvoir, rapport à l’incertitude, masculinité/ féminité, orientation long/court terme).

Les valeurs d’un individu sont ainsi un subtil mélange d’inné et d’acquis, d’éléments hérités et/ou construits par socialisation.

Notons enfin que la compréhension des valeurs des individus avec lesquels on travaille ne prend cependant de sens que lorsqu’on analyse ces dernières en relation avec ses propres valeurs.

Meglino et al. (1990) montrent en effet que l’adéquation entre les valeurs d’un individu, celles de ses collaborateurs/dirigeants et les valeurs de l’entreprise (la « congruence de valeurs ») influence au moins autant l’attitude et la performance de l’individu que ses valeurs personnelles (Stinglhamber et al., 2004).

Nous retrouvons ici le thème de l’éthique : dans quelle mesure une personne est-elle prête à travailler pour une organisation aux activités/valeurs contraires à ses principes/valeurs personnelles ?

Conceptions personnelles

Les conceptions personnelles sont fondées sur la réflexivité (la mesure selon laquelle l’individu a conscience de sa propre personne) et les jugements qu’il porte sur lui-même et sur sa vie.

Une de ces conceptions personnelles est mesurée par le lieu de contrôle de Rotter (1966).

Le lieu de contrôle mesure le degré de contrôle qu’une personne estime avoir sur sa vie : un individu avec un lieu de contrôle interne attribuera les événements qui lui arrivent à ses compétences et choix personnels, un lieu de contrôle externe dénote un individu plus fataliste, jugeant que sa vie est largement le fruit du hasard.

De telles conceptions ont une forte influence sur le comportement de l’individu et sur ses rapports aux autres. On voit ici que certains traits de personnalité, tel qu’un lieu de contrôle externe, peuvent poser une difficulté à l’entreprise : comment motiver des personnes qui ont l’intime conviction de ne pas maîtriser leur propre vie ? Peut-on modifier de tels préjugés ? Les théories de la motivation que nous exposerons plus bas apporteront quelques éléments de réponse.

Ajustement émotionnel

L’ajustement émotionnel mesure les réactions de l’individu en situation difficile, en situation de stress.

Un des instruments développés pour mesurer le comportement type d’un individu en situation de stress est un questionnaire créé par Jenkins (1979) d’après les travaux de Rosenman et Friedman (1959) établissant deux types de comportements, communément appelés type A et type B.

Une personne de type A se montre généralement impatiente, compétitive, pressée par le temps, par les objectifs à atteindre et obtient souvent de bons résultats mais au détriment de sa santé.

Le type B au contraire est de nature patiente, détendue et se montre souvent plus créatif. Rosenman et Friedman, tous deux cardiologues, ont étudié les effets de telles prédispositions psychologiques sur le risque d’attaque cardiaque et prouvent, sans grande surprise, que le type A présente significativement plus de risques que le type B.

Dans le cas du comportement organisationnel qui nous intéresse, cette étude met en valeur une nouvelle source de différence entre individus et montre une nouvelle fois la complexité de la tâche du manager.

Si les individus de type A vont avoir naturellement tendance à respecter les échéances et les objectifs établis, leur performance à moyen ou long terme risque d’être fortement menacée par leur surmenage. Un type B va au contraire avoir besoin de plus d’encadrement et de motivation extérieure mais ne souffrira pas des mêmes maux.

Un nombre croissant de recherches s’intéressent à l’épuisement du travailleur ou burnout qui se traduit dans le meilleur des cas par une baisse de la performance mais a souvent des conséquences beaucoup plus graves (absentéisme voire démission de l’individu).

Traits sociaux

Pour reprendre les termes de Schermerhorn et al. (1994), les traits sociaux sont « les types de comportements produits par un individu lorsqu’il interagit avec les autres dans un contexte social » (Comment est-ce que je réagis au contact des autres ?).

Un certain nombre de modèles proposent d’analyser ces traits et leurs impacts sur le comportement humain en catégorisant les individus par types psychologiques. Peut-être avez-vous déjà rencontré le plus répandu (et l’ancêtre) de ces modèles : le modèle de Myers-Briggs ou MBTI (Myers-Briggs Type Indicator). Celui-ci, inspiré des travaux de Jung, est l’un des premiers à définir des « types psychologiques ».

K. Myers et sa fille I. Myers-Briggs considèrent quatre activités mentales avec chacune deux traits sociaux opposés. Ces activités sont les suivantes :

La collecte d’information. « Sensation »/« Intuition ». Tous les individus cherchent en permanence à rassembler des informations sur le monde qui les entoure.

Certains ont une préférence pour l’application de routines, l’usage de règles et cherchent à obtenir le maximum de détails possibles grâce à l’ensemble de leurs sens ; en termes MBTI, de tels individus ont une préférence pour la Sensation.

Au contraire, les individus cherchant à obtenir une information plus globale, rejetant les règles et cherchant des alternatives en faisant usage de leur « sixième sens », ont une préférence pour l’Intuition.

  • L’évaluation de l’information : « Pensée »/« Sentiment ». Les individus relevant du premier type font plus appel à la raison qu’à leurs émotions lorsqu’ils évaluent une situation et inversement pour les individus de la deuxième catégorie.
  • Le choix du mode d’action : « Jugement »/« Perception ». Selon Myers-Briggs, les « Jugeurs » recherchent le contrôle et la maîtrise alors que les « Perceveurs » favorisent la souplesse et la flexibilité.
  • Le rapport au monde extérieur. « Introversion »/« Extraversion ». Les « Introvertis » tirent leur énergie d’un relatif repli sur leur monde intérieur alors que les « Extravertis » ont plus besoin des autres pour se construire.

Les tests MBTI définissent ainsi seize profils psychologiques, par exemple « Sensation – Pensée – Jugement – Introversion » (SPJI) ou « Intuition – Pensée – Perception – Extraversion » (IPPE), distribués de façon non homogène.

Il convient de reconnaître que le modèle MBTI et la catégorisation définitive qu’il propose sont sujets à de nombreuses critiques, notamment la simplification excessive des types psychologiques qui enferme les individus dans des « boîtes ».

Un tel modèle montre néanmoins la possibilité et l’intérêt de collaborer entre individus de types psychologiques/traits sociaux différents.

Par exemple, les « Sensitifs » peuvent avoir besoin des « Intuitifs » pour aborder de nouvelles possibilités, anticiper les tendances ou encore envisager la situation dans son ensemble.

Réciproquement, les « Sensitifs » peuvent apporter aux « Intuitifs » un regard affûté et réaliste sur les problèmes du moment.

Ces quelques paragraphes doivent vous avoir permis de mieux apprécier la diversité des individus. Demandez à vos proches ou à vos amis de répondre à un ou plusieurs des questionnaires présentés au cours de cette partie ; il y a de très fortes chances que leurs résultats soient différents des vôtres…

Pour reprendre notre schéma initial, les différents éléments psychologiques se chevauchent et se combinent pour former une quasi-infinité de personnalités potentielles.

Au moment de conclure ce paragraphe, insistons sur le fait qu’il n’existe pas de profil unique et idéal mais qu’il y a tout de même une relation indirecte entre personnalité et performance du fait que la personnalité contribue à déterminer les comportements de l’individu.

C’est en tout cas sur ce postulat que semblent se fonder un grand nombre de politiques de recrutement…

Insistons également sur le fait que comprendre les ressorts psychologiques qui animent l’individu peut, certes, permettre au manager de sélectionner les profils qu’il estime les plus adaptés mais aussi d’assigner les tâches les plus pertinentes en fonction des capacités et prédispositions de chacun ou encore agir sur les individus pour influencer leurs comportements, en d’autres termes, les motiver, comme nous allons le voir dans la partie suivante.

Susciter les comportements – Motiver l’individu

« Toute action libre et volontaire se base sur une motivation plus ou moins consciente. Ce sont les raisons que l’on se donne pour agir. »

Birou, sociologue et économiste

Si nous avons tous une idée plus ou moins précise de ce qui nous motive, la multiplicité quasi infinie de ces motivations d’un individu à l’autre nous fait prendre conscience de l’extrême richesse des processus mentaux qui nous animent. Il n’est donc pas surprenant que les théories visant à expliquer ces processus soient elles-mêmes légion.

Il y a plus de trente ans, Toulouse et Poupart (1976) parlaient déjà de « la jungle des théories de la motivation au travail », et en 1981, Kleinginna et Kleinginna recensaient 140 définitions de ce même concept (Roussel, 2000).

Les paragraphes suivants reprennent les deux principaux courants théoriques dans ce domaine : les « théories du contenu » qui partent du postulat que les individus sont motivés par des besoins qu’ils cherchent à satisfaire et recherchent donc quels sont ces besoins, et les « théories du processus » qui cherchent à identifier comment les travailleurs sont motivés, quel est le processus motivationnel.

Nous présenterons pour chacun de ces deux courants quelques-unes des recherches les plus représentatives : hiérarchie de Maslow, théorie ERG et théorie bi-factorielle comme théories du contenu ; théorie de l’équité et théorie de l’attente comme théories du processus.

Théories du contenu

Hiérarchie de Maslow

La théorie hiérarchique des besoins fondamentaux de Maslow (1954) est la plus ancienne, la plus connue (mais aussi la plus remise en question) des théories du contenu. Maslow affirme qu’il existe une hiérarchie des besoins humains (communément appelée
« Pyramide des besoins »).

Schéma 3 : Illustration de la théorie hiérarchique des besoins de Maslow

L’idée principale de Maslow n’est pas simplement d’identifier ces besoins mais de mettre l’accent sur la hiérarchie qui existe entre eux : un besoin ne peut émerger que lorsque les besoins subalternes sont déjà satisfaits (les besoins physiologiques étant les plus élémentaires).

Selon Maslow, ces besoins peuvent également varier au cours de la vie.

Nous ne nous attarderons pas plus sur cette théorie étant donné que, malgré sa popularité, il n’existe pas ou peu de recherches la validant empiriquement.

Elle eut tout de même le mérite de suggérer qu’un individu n’a pas uniquement des besoins de survie (physiologiques et de sécurité) mais cherche à satisfaire des besoins plus abstraits et plus complexes. Elle constitue en cela une première étape dans la réflexion sur la motivation.

Théorie ERG

Dans le prolongement de la hiérarchie des besoins de Maslow, Alderfer (1969) dégage trois catégories de besoins dont les initiales donnent le nom à sa théorie :

a. Besoins « inférieurs »

b. Besoins « supérieurs »

Les catégories sont très proches de celles de Maslow et ne constituent guère une avancée. En revanche, l’apport de cette théorie est de considérer d’une part que ces besoins peuvent s’exercer simultanément et d’autre part qu’ils font l’objet d’un processus dynamique : la satisfaction des besoins « inférieurs » entraîne une progression vers des besoins plus élevés ; au contraire, la frustration des besoins « supérieurs » (relationnels et croissance) est susceptible d’entraîner une régression vers des besoins plus élémentaires que sont les besoins existentiels (voir schéma suivant).

Schéma 4 : Processus des besoins ERG

Théorie bi-factorielle d’Herzberg

Herzberg (1966) cherche à dépasser les analyses précédentes en s’interrogeant non seulement sur les facteurs qui motivent les travailleurs mais aussi sur ceux dont l’absence les démotive, qu’il nomme « facteurs d’hygiène », en remarquant que ce ne sont pas les mêmes.

Herzberg recense 5 facteurs de motivation : l’accomplissement de soi, la reconnaissance, la qualité intrinsèque de son travail, les responsabilités qui lui sont attribuées et les promotions/l’avancement dont il bénéficie. L’idée majeure d’Herzberg est que ces facteurs sont motivants mais que leur absence n’induit pas nécessairement de démotivation/non-satisfaction.

Herzberg nous dit qu’en complément de ces facteurs, il existe des facteurs d’hygiène, éléments nécessaires mais non suffisants pour motiver l’individu.

En d’autres termes, l’absence de ces facteurs provoquerait une non-satisfaction/démotivation des travailleurs mais leur présence ne les motiverait pas. Ces facteurs concernent principalement la qualité de l’environnement et le mode de fonctionnement de l’organisation : style de supervision, règles en place dans l’entreprise, conditions de travail, relations entre collègues, sécurité et, enfin, salaire (voir schéma 5).

Schéma 5 : Facteurs d’attitude au travail, d’après Herzberg (1968)

Ces conclusions sont fondamentales dans la mesure où elles représentent la base des politiques d’enrichissement du travail.

En effet, Herzberg préconise, au vu de ses recherches, de garantir à l’individu de bonnes conditions de travail (i.e. d’assurer les facteurs d’hygiène) mais surtout d’augmenter sa motivation en agissant sur les facteurs motivants sus-cités.

Herzberg suggère entre autres de réduire les contrôles tout en augmentant le niveau de responsabilité, d’accroître la liberté d’initiative, la latitude décisionnelle, de proposer aux travailleurs des tâches plus complexes et plus variées, tout cela dans le but d’encourager les travailleurs à évoluer dans l’entreprise.

Une autre conclusion à la fois surprenante et particulièrement intéressante est que le salaire, les compensations pécuniaires ne sont pas un facteur motivant mais un facteur d’hygiène : si le salaire doit être équitable (voir Théorie de l’équité ci-après) et en rapport avec le travail fourni, il ne suffit pas à motiver l’individu.

Que retenir des théories du contenu ?

Les théories du contenu ont une grande ambition : explorer l’ensemble des besoins de l’individu et permettre ainsi au manager de créer un environnement de travail qui réponde à ces besoins.

Nous retrouvons bien ici l’articulation établie par l’équation de la performance individuelle : attributs individuels – effort de travail – soutien organisationnel.

Ces théories (dont les trois présentées ici ne sont qu’un aperçu), peuvent en partie expliquer la mauvaise performance de certains individus dont les besoins sont négligés.

Elles expliquent également que, contrairement à une idée reçue, l’argent n’est pas une source de motivation suffisante.

Ces théories ont ouvert la voie à une réflexion au sein des entreprises sur l’équilibre entre motivation intrinsèque (qui est indépendante des facteurs extérieurs, qui est intimement éprouvée par l’individu par la réalisation de ses besoins, de ses désirs) et motivation extrinsèque (qui dépend de facteurs externes tels que les récompenses pécuniaires ou les avantages en nature) qui encouragea les procédés d’enrichissement du travail (diversification et rotation des tâches, délégation d’autorité, etc.).

Néanmoins, de nombreuses critiques se font entendre, notamment sur la possibilité d’établir une liste universelle des besoins ou encore sur la présence concomitante de plusieurs besoins.

À ces premières faiblesses vient s’ajouter la fragilité de leur validation empirique. Notons de plus qu’« elles sont généralement simplificatrices […] et se prêtent mieux à l’explication de la satisfaction que de la motivation dont elle serait le déterminant – par la satisfaction des besoins, des mobiles et valeurs » (Roussel, 2000).

Enfin, ces théories n’expliquent guère le processus de motivation, objet de recherche des théories exposées dans le paragraphe suivant.

Théories du processus

Théorie de l’équité

En préambule à l’explication de cette théorie, précisons que l’équité s’entend comme « l’appréciation juste ». L’équité n’est pas l’égalité en ce que l’équité fait appel au jugement, au sentiment de justice.

Selon Adams (1963, 1965), un individu effectue perpétuellement une comparaison entre sa situation personnelle et celles d’autres personnes ; il observe son environnement afin de déterminer s’il est traité avec équité vis-à-vis de ses semblables.

Comme le résume Roussel (2000) :

Si l’individu, à l’issue de cette comparaison, est insatisfait de sa situation, l’iniquité qu’il perçoit crée chez lui une tension qu’il va chercher à réduire. Cette tension le conduit à déclencher son comportement vers un but, à déployer les efforts nécessaires pour réduire le sentiment d’iniquité qui l’anime. Il est motivé.

Notons, de plus, que cette iniquité peut être perçue comme favorable ou défavorable à l’individu. Dans les deux cas, elle sera source de motivation mais provoquera différentes réactions tendant toutes à rétablir l’équité.

Ce processus comparatif peut être représenté de la façon suivante :

Si le rapport Ai/Ci est perçu comme supérieur à Aa/Ca, l’individu peut se sentir survalorisé et de ce fait accroître sa contribution ou en améliorer la qualité.

Si au contraire Ai/Ci est perçu comme inférieur à Aa/Ca, l’individu se sentant sous-récompensé peut demander une augmentation, une promotion ou au contraire quitter l’entreprise afin de trouver une situation plus proche de ce qu’il perçoit comme équitable.

Théorie de l’attente (EIV)

Vroom (1964) considère lui aussi que la motivation de l’individu est le résultat d’un processus cognitif, d’un choix conscient entre différentes alternatives, mais identifie un processus quelque peu différent.

Selon Vroom, la motivation est déterminée par un certain nombre de conceptions personnelles quant à la relation qui existe entre un travail fourni, le résultat probable de ce travail (performance estimée), la récompense associée à ce résultat et la désirabilité de ce résultat.

Prenons le raisonnement « à l’envers » et considérons l’exemple suivant :

Cette perception s’appelle une « dissonance cognitive » (Festinger, 1967).

Selon les termes de Vroom :

  • mon fort désir de promotion signifie que ma Valence est forte ;
  • la forte probabilité que j’établis entre le fait d’obtenir de meilleurs résultats et celui d’obtenir une promotion révèle une forte Instrumentalité ;
  • le fait que j’estime comme élevée la probabilité qu’un plus gros effort de travail produira de meilleurs résultats montre une forte Expectation (ou Attente).

La théorie de Vroom (appelée théorie de l’attente, de l’expectation ou encore théorie EIV, pour Expectation – Instrumentalité – Valence) postule ainsi que la motivation est « une force déterminée par trois facteurs qui se combinerait de façon multiplicative : l’attente (expectation), l’instrumentalité et la valence » (Roussel, 2000) et répond à l’équation suivante :

Motivation = Expectation × Instrumentalité × Valence

  • L’Expectation représente la probabilité à laquelle un individu évalue le rapport effort/performance (« Dans quelle mesure fournir plus d’effort engendrera un meilleur résultat ? »).
  • L’Instrumentalité représente la probabilité à laquelle un individu évalue le rapport performance/récompense (« Dans quelle mesure un meilleur résultat rapportera une récompense ? »).
  • La Valence représente la désirabilité de la récompense (« Le jeu en vaut-il la chandelle ? »).

Modèle intégrateur

Les travaux de Porter et Lawler (1968), Nadler et Lawler (1977) ont tenté d’étendre les différentes théories du processus et d’y associer les acquis des théories du contenu pour obtenir un modèle synthétique que l’on peut représenter de la manière suivante (schéma 6) :

Schéma 6 : Modèle intégrateur d’après Porter et Lawler (1968)

On retrouve bien dans ce modèle la plupart des concepts mis au jour par les recherches exposées précédemment :

Théories du contenu

  • La place des attributs individuels.
  • Le lien entre satisfaction et motivation.
  • La distinction entre récompenses intrinsèques et extrinsèques.

Théories du processus

  • Les processus cognitifs d’attente/expectation de Vroom
  • (encadrés en pointillés).
  • Le processus comparatif d’équité d’Adams.

Que retenir des théories du processus ?

Comme le déclare Roussel (2000), les théories du processus donnent une vision rationnelle de l’être humain où « la motivation est conçue comme la conséquence de choix raisonnés et non de l’impulsivité ».

D’un point de vue managérial, ces théories complètent ou dépassent les théories du contenu car elles fournissent non seulement une justification aux comportements observés mais également un certain nombre de leviers d’actions.

Si les théories du contenu se bornaient à expliquer les motifs de satisfaction d’un individu, les théories du processus font le lien entre satisfaction, motivation et effort de travail, les trois composantes de notre équation initiale.

Ces théories ne sont cependant pas exemptes de critiques. Au même titre que les théories du contenu, ces théories restent des heuristiques, des simplifications de la réalité, et ne permettent pas en cela « d’appréhender toute la complexité de l’origine et des mécanismes des comportements » (Roussel, ibid.).

Les chances sont bien minces qu’un quelconque individu se soit totalement reconnu dans l’un ou plusieurs des processus décrits. Le manque de validité empirique déjà faite au sujet des théories du contenu s’applique également aux théories du processus (Schwab et al. 1979) et s’explique notamment par la relative imprécision dans la définition et la mesure des croyances et perceptions individuelles sous-tendant ces modèles (Expectation, Instrumentalité, Valence, Équité, etc.).

La notion d’effort et de performance comme conséquence directe du processus motivationnel, sous-jacente à l’ensemble de ces théories, n’est elle-même pas aussi évidente qu’elle n’y paraît.

Quel est l’effort attendu ? S’agit-il uniquement de la réalisation d’objectifs quantitatifs ponctuels ou plutôt d’une contribution continue à la bonne conduite des affaires telle qu’une certaine dose de créativité, d’enthousiasme ou d’esprit d’équipe ? Les théories du processus ne proposent en cela qu’une réponse partielle et des actions épisodiques sans logique d’ensemble.

La motivation par la rémunération

Au-delà de la satisfaction de différents besoins, la motivation est largement liée au système de rétribution, dans son niveau et dans son utilisation.

Des études ont montré que la capacité des rémunérations à motiver les individus dépend de plusieurs facteurs : le niveau, le moment opportun, le lien avec la productivité, la durabilité, l’équité, la visibilité.

Le management doit donc bien gérer tous les paramètres des rémunérations, les types de rétribution et la manière de les utiliser, chacun ayant des atouts et des limites.

À titre illustratif, il est possible de répertorier les avantages et les inconvénients de quelques systèmes de rémunérations :

Types de rémunérationAvantagesLimites
Partage des gains de productivitéPour un niveau de production et de coût précisPeut être complexe à calculer et à présenter
IntéressementRécompense la rentabilité organisationnelleUn individu influe peu sur la rentabilité de l’ensemble
Fonction des compétencesRécompense de nouvelles compétencesLe coût du travail augmente en raison de l’augmentation des compétences maîtrisées
Plan d’avantages flexiblesAdapté à la demande individuelleCoût administratif élevé, utilisation difficile

In fine, la motivation peut être un levier important si elle est bien gérée.

Conclusion

Ainsi que nous le suggérions dans le dernier paragraphe, les théories de la motivation restent encore aujourd’hui incomplètes mais permettent néanmoins d’identifier un certain nombre de phénomènes clés.

Les travaux sur les attributs individuels tout comme les théories du contenu n’ont certes pas explicité les moyens d’agir sur la motivation de l’individu mais elles ont permis de mettre en lumière l’existence de conditions favorables ou au contraire défavorables à la satisfaction de celui-ci et donc, indirectement, à sa performance.

Les théories du processus ont quant à elles examiné les mécanismes à l’œuvre dans la motivation même, les choix conscients ou inconscients que chacun effectue continuellement et qui déterminent sa participation, ses efforts et sa performance.

Pour Ernest Renan : « Chaque homme de génie est un capital accumulé de plusieurs générations. » Cette formule est vraie non seulement pour des hommes de génie mais pour chaque homme.

Quels que soient les théories et les rêves de la recherche scientifique, retenons pour conclure que l’homme ne peut être traité comme une abstraction isolée.

La valeur de l’homme se mesure à sa puissance d’action sur les choses à condition que le groupe, l’organisation et plus largement la société lui en donnent les moyens

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