Les dualités du marché du travail

L’économie du travail constate des dualités du marché du travail. Elle distingue le marché du travail primaire et le marché du travail secondaire.

Le premier concerne l’emploi stable avec des salaires supérieurs, des dispositifs de formation et des perspectives d’évolution professionnelle. Le second concerne l’emploi précaire mal payé et sans perspectives de formation ni de carrière. Il est illustré par les manutentionnaires du quartier parisien du Sentier qui sont employés à l’heure ou à la tâche.

Un pas supplémentaire dans la compréhension des dualités du marché du travail est franchi avec la distinction opérée par Dœringer
et Piore (1971) entre marché du travail externe et marché du travail interne.

Le marché du travail externe met en rapport une demande d’emploi et une offre de travail. Le salaire est le mécanisme d’ajustement de l’offre et de la demande. Ainsi, lorsque certaines compétences informatiques sont recherchées, les salaires des informaticiens détenteurs de ces compétences augmentent.

L’originalité de l’apport de Dœringer et Piore vient de l’éclairage donné aux marchés du travail interne. Ce n’est pas la rencontre d’une offre et d’une demande qui réalise l’ajustement des marchés internes aux organisations, mais l’application de règles administratives.

Des règles d’ancienneté peuvent déterminer tout ou partie de la rémunération. La convention collective de la métallurgie dépasse certes le cadre d’une seule entreprise, mais elle offre des illustrations de telles règles: à partir de trois ans d’ancienneté, le salaire de base évolue d’un certain pourcentage par an, jusqu’à un plafond de 15 ans d’ancienneté.

Les marchés internes privilégient l’entrée dans l’organisation en début de carrière et spécifient les conditions d’évolution dans l’organisation en termes de salaire, d’emploi et de formation. Ils dessinent des parcours professionnels dans l’organisation concernée.

La question devient donc: quand une organisation recourt-elle au marché externe, quand structure-t-elle un marché interne? Une réponse est apportée par Becker (1993) avec la notion de capital humain spécifique.

Imaginons qu’une organisation développe une technologie très originale pour fabriquer un produit. Elle doit, par construction, former les nouveaux salariés à cette technologie pour qu’ils puissent contribuer au processus productif.

Elle consent ainsi un investissement en capital humain: apprentissage, montée en performance du salarié, familiarisation de celui-ci avec qui fait quoi …

Pendant toute cette période, l’organisation paye le salarié alors qu’il n’a pas encore atteint la productivité normale. Si celui-ci quitte l’organisation avant que l’investissement soit amorti, l’organisation subit une perte et doit recommencer l’exercice avec un nouveau salarié.

Le salarié, de son côté, peut se faire du souci. En se formant à une technologie très particulière, il devient dépendant de l’entreprise
puisqu’il ne peut négocier les compétences acquises sur le marché du travail externe, celles-ci étant, par construction, spécifiques à l’organisation qui l’a formé.

Pour que le contrat soit durable, il faut que l’organisation apporte une contrepartie à la perte de liberté du salarié.

Le marché interne avec ses garanties d’emploi, d’augmentation plus ou moins régulière de la rémunération, ses perspectives d’évolution de carrière et de formation constitue la réponse de l’organisation;

il permet la rentabilisation des investissements de l’entreprise en capital humain et la compensation de la perte de liberté de ses sala –
riés. Lorsqu’une organisation mobilise des compétences spécifiques dans l’accomplissement de sa mission, elle a intérêt à organiser un
marché ‘ interne du travail de façon à fidéliser ses salariés.

A l’inverse (Ferrary, 1997), une organisation qui mobilise principalement du capital humain général (ou générique selon les traductions) va s’appuyer principalement sur le marché externe du travail pour satisfaire ses besoins de main-d’œuvre.

Le capital humain général est par définition le capital humain non spécifique. Il peut s’agir de compétences générales: lire, écrire, compter …

Il peut s’agir de compétences plus spécialisées et de niveau plus élevé. Ainsi lorsqu’une organisation recourt à un consultant, elle n’entend pas le former et attend qu’il mette à sa disposition une expertise pertinente et immédiatement opérationnelle pour résoudre le problème qu’elle lui a soumis.

La distinction entre marchés internes et marchés externes permet de contraster deux modes d’ajustement de l’organisation aux fluctuations de ses besoins en main-d’œuvre (Ferrary, 1997), qu’ils soient qualitatifs (évolution des contenus des métiers auxquels l’organisation a recours) ou quantitatifs (augmentation ou ralentissement des demandes des clients).

Le mode d’ajustement correspondant au marché interne est la flexibilité interne: l’organisation maintient la relation d’emploi avec ses salariés. La baisse d’activité est absorbée par une réduction du temps de travail (chômage partiel, par exemple) ou par une variabilisation de la rémunération (primes réduites ou nulles, par exemple).

Le deuxième volet de la flexibilité interne est la flexibilité fonctionnelle : elle consiste à reconvertir les salariés dont les métiers sont menacés et à les faire évoluer par la formation et la mobilité interne vers les métiers pour lesquels il y a des besoins.

La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences est une démarche privilégiée de préparation et de mise en œuvre de la flexibilité fonctionnelle et plus généralement de la flexibilité interne.

Le mode d’ajustement correspondant au recours au marché externe du travail est la flexibilité externe. Elle comporte un volet quantitatif et un volet qualitatif. Lorsque l’activité de l’organisation est en croissance, celle-ci se tourne vers le marché du travail externe pour recruter.

Lorsque l’activité baisse, l’organisation met fin aux contrats à durée déterminée et même aux contrats à durée indéterminée si nécessaire. Sur le versant qualitatif, c’est par l’externalisation (soustraitance, accords de partenariat) que la firme s’ajuste aux évolutions des métiers.

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