Le renouvellement de la gestion des ressources humaines

Il n’y a pas de pratiques universelles en matière de gestion des ressources humaines (GRH). Les pratiques performantes sont celles qui, adaptées au contexte, permettent de répondre aux défis qu’une entreprise doit affronter.

La DRH doit prendre en compte l’ensemble des données internes et externes; actuelles et prévisionnelles du contexte pour identitifer les défis à affronter et adopter les pratiques appropriées.

Ces pratiques mettent en œuvre des logiques de réponse. Ces logiques induites par les contraintes internes et externes imprègnent les pratiques RH dans les divers contextes nationaux. Une approche contingente de la GRH s’impose.

L’approche contingente de la GRH

Le schéma 1 propose un modèle contingentiel de la GRH faisant ressortir la liaison Défis -> Logiques -> Pratiques.

L’organisation est confrontée à des défis fondamentaux. Pour y répondre; elle doit s’appuyer sur de nouvelles logiques, de nouvelles pratiques de GRH et une reconfiguration de la fonction.

Le renouvellement de la gestion des ressources humaines
Schéma 1 – Le modèle contingentiel de la GRH

Les grands défis

Les mutations technologiques, la transformation numérique et la conduite du changement

Les mutations technologiques et la révolution digitale concernent toutes les branches d’activité et les fonctions de l’entreprise.

Maintenir en permanence une adéquation qualitative et quantitative de l’emploi implique une approche dynamique, une veille technologique, un suivi de l’employabilité de chacun, une gestion préventive, un effort permanent de qualification et de requalification du personnel
en place, le développement de la mobilité et de nouveaux recrutements dans le cadre d’une gestion proactive des compétences.

Quatre impacts des mutations technologiques dominent :

La transformation des organisations. Les nouvelles technologies de l’information modifient l’organisation du travail et bouleversent les structures. L’entreprise devient tourbillonnante. La fonction RH doit accompagner le changement et participer activement aux choix organisationnels. Elle intègre la fonction transformation.

L’accroissement de la productivité. Il favorise la croissance mais il peut entraîner des sureffectifs dans certaines fonctions ou établissements et nécessiter des réductions d’effectif. La veille technologique doit comprendre un volet productivité.

La modification des compétences requises. L’évolution technologique crée, modifie, remet en cause et fait disparaître des emplois. Chaque technologie nouvelle transforme les métiers et les compétences requises. Pour anticiper, un observatoire des métiers est nécessaire ainsi qu’une connaissance des compétences actuelles et des potentiels d’évolution de chaque salarié.

L’adaptation de chaque salarié requiert un investissement formation dont le préalable est le bilan de compétences. L’évolution des qualifications fait vieillir très vite les grilles de classification et de rémunération. Elle nécessite une actualisation constante des descriptions de poste faisant ressortir les invariants (missions stables). Elle modifie les critères et les cibles de recrutement.

Le renchérissement du coût des équipements. La durée de vie des équipements diminue pour cause d’obsolescence rapide. Cela nécessite un accroissement de la durée d’utilisation des équipements (DUE) par l’adoption de diverses formes d’aménagement du temps de travail, pour amortir les investissements sur des périodes plus courtes.

L’accentuation de la concurrence au niveau mondial

La période actuelle est marquée par Faccentuation et Fintemationalisation de la concurrence. Pour conserver sa compétitivité dans un contexte où les innovations franchissent sans délai les frontières, la rigueur et la rapidité sont indispensables. L’entreprise doit éliminer surcoûts et gaspillages. Elle doit aller vite pourinnover, découvrirles créneaux porteurs, les industrialiser, les faire connaître, les améliorer, les adapter.

Ceci implique la mobilisation de tout le potentiel des hommes : leur professionnalisme, leur imagination, leur motivation, leur autonomie, leur responsabilité, leur capacité d’évoluer. L’implication des salariés est perçue comme un avantage compétitif. La capacité des entreprises à créer, à innover, à inventer devient la première source de croissance.

L’internationalisation de la concurrence impose aux entreprises une vigilance sans frontière. Elles doivent disposer de référentiels internationaux et anticiper leur évolution. Les disparités tant au niveau mondial qu’européen sont amenées à se réduire dans le cadre d’une convergence accrue.

Les mutations économiques

Dans un contexte de concurrence, les entreprises doivent veiller à limiter leur ratio frais de personnel/valeur ajoutée à un niveau inférieur ou égal à celui de leurs principaux concurrents nationaux ou internationaux. La survie devient hypothétique pour l’entreprise dont le ratio frais de personnel/valeur ajoutée dépasse durablement et significativement celui de ses concurrents. Faute de moyens pourinvestir etinnover, elle devient une proie.

L’entreprise doit répondre aux attentes de ses actionnaires dans un contexte économique cahoteux et chaotique. Les cahots deviennent plus brutaux avec des variations fortes de l’activité ; l’entreprise doit pouvoir s’adapter très rapidement à des variations de large amplitude. Le chaos, c’est-à-dire la difficulté à élaborer des prévisions fiables et le manque de visibilité à court et à moyen terme, concerne un nombre accru d’activités. L’entreprise doit devenir agile.

Les évolutions démographiques

L’analyse de la pyramide des âges fait ressortir dans de nombreuses entreprises des perspectives de vieillissement accentué. La génération du baby-boom de l’après-guerre (1946-1960), grossit les rangs des sexagénaires depuis 2006.

Les entreprises doivent apprendre à gérer des populations plus âgées avec une approche cohérente en termes de carrière; de rémunération, de conditions de travail, de mobilité et de formation pour éviter les effets pervers du sentiment de lin de vie professionnelle. Elles doivent aussi maîtriser leur rajeunissement et avoir une politique cohérente de gestion des âges et de la diversité.

La population active française a connu une croissance de 1,35 million de personnes entre 2005 et 2014. Cette hausse est portée par les seniors (+1,6 million). La population active « occupée » est de 26,65 millions d’actifs en 2015 dont 19,9 salariés des secteurs concurrentiels.

En 2015, le taux d’emploi en France est de 64,3 % pourles 15-64 ans. Il atteint 80 % pour les 25-49 ans mais seulement 28,3 % pour les 15-24 ans et 59,8% pour les 50-64 ans. Entre 2000 et 2015, le taux d’emploi des 60-64 ans est passé de 10,2 % à 24,5 %. La moyenne pour l’Europe des 27 progressait dans la même période de 23 % à 30,5 % et en Suède de 46% à 61 %. Améliorer le taux d’emploi des jeunes et des seniors est une priorité pour les DRH.

Les mutations sociologiques et la diversité

Les enquêtes montrent une perte d’évidences individuelles (notamment concernant le travail et l’argent) et de cohérences collectives accélérée par l’explosion actuelle des nouvelles technologies.

De plus, l’entreprise regroupe des salariés aux aspirations multiples : la diversité des âges, des formations initiales, des parcours professionnels et des qualifications se traduit par de grandes différences d’attentes. L’entreprise doit connaître et reconnaître la diversité de ceux qui la composent.

Chaque génération apparaît différente de celle qui l’a précédé et l’entreprise doit absorber ces différences. La génération Z (née après 1990) succède aux générations Y (1978-1990) et X (1960-1977) avec ses spécificités. Le besoin de reconnaissance est l’une des attentes fortes
des salariés d’aujourd’hui et en particulier des générations Y et Z.

Les partenaires sociaux

De 1958 à 1974, les effectifs syndicaux avaient connu une croissance régulière. Depuis 1974, ils sont globalement en recul. A partir de 1980, la diminution du nombre des conflits du travail a été spectaculaire tant en France que dans l’ensemble des pays industrialisés.

En 2012, le nombre de journées individuelles non travaillées (JINT) est de 60 pour 1 000 salariés (DARES). Depuis 1982, la négociation d’entreprise et d’établissement progresse à un rythme rapide : 4 900 accords en 1985 et 54 600 en 2013. La négociation d’entreprise devient un élément déterminant de la mise en place des politiques de RH.

Le cadre législatif et réglementaire

La législation sociale a connu depuis l’après-guerre un développement important renforçantles obligations de l’entreprise dans plusieurs domaines.

Aujourd’hui le cadre réglementaire applicable est très riche en France. Il n’a cessé de se développer tout au long du XXe siècle et au début du xxie dans tous les domaines de la gestion des ressources humaines; avec quelques périodes particulièrement fortes : premier après-guerre; 1936-1937; second après-guerre, années 1968-1973 (extension des droits syndicaux, formation professionnelle, amélioration des conditions de travail), 1982 (lois et ordonnances Auroux dans de nombreux domaines). Les années 1982-2016 ont connu une évolution réglementaire forte avec de nombreux textes qui ont un impact fort sur les pratiques RH.

Les directeurs des ressources humaines (DRH) doivent s’adapter à ces modifications qui, de plus en plus, s’inscrivent dans le cadre d’une convergence européenne et de l’harmonisation de l’espace social européen.

L’investissement socialement responsable

Le développement des ISR (investisseurs socialement responsables) et de la notation extrafinancière permet d’orienter les achats d’action vers les entreprises socialement responsables, imposant aux entreprises de rendre compte de leurs engagements sociaux et sociétaux. Le reporting social, sociétal et environnemental devient essentiel.

Les logiques de réponse

Pour répondre à ces défis, les entreprises adoptent cinq logiques qui irriguent les politiques sociales : personnalisation, agilité, mobilisation, anticipation et partage.

La personnalisation

La logique de personnalisation (ou de l’individualisation) irrigue les politiques d’emploi (du recrutement à la gestion de carrière), de rémunération (individualisation des salaires et des avantages sociaux), de formation (plans individuels de formation; congé individuel de formation; compte personnel de formation); d’aménagement du temps (horaires personnalisés, congés discrétionnaires) et de communication (bilan social individualisé).

Elle suscite le développement de certaines pratiques – systèmes d’évaluation des personnes, des performances, des potentiels, enquêtes d’opinion, bilans de compétences, entretiens professionnels et plans de carrière – etimplique la hiérarchie de façon croissante.

Les entreprises mettent en œuvre des projets professionnels personnels (PPP), des plans individuels de formation (PIF), le compte personnel de formation (CPF), des bilans de compétences, des bilans professionnels personnalisés (BPP).

Elles diffusent une information personnalisée (bilans sociaux individuels, par exemple). La personnalisation se traduit également par l’individualisation des horaires, la maîtrise individuelle du temps de travail,l’évolution vers le temps choisi.

Un choix plus large est offert, qui s’efforce de favoriser la prise en compte tant des attentes et des aspirations de chacun que des contraintes de l’entreprise. Une évolution vers l’entreprise à la carte se dessine pour répondre au besoin d’autonomie du salarié.

La personnalisation répond à la diversité des salariés (« Tous différents »); au fort besoin de reconnaissance (« Tous reconnus ») et de développement («Tous talentueux»).

L’agilité

L’entreprise doit s’adapter rapidement et de façon efficace à toutes les évolutions. La course à l’agilité est permanente. Pour cela, l’entreprise recherche la flexibilité dans cinq directions :

la flexibilité quantitative externe (modification du niveau d’emploi, contrats à durée déterminée, intérim…),

la flexibilité quantitative interne (modification du volume d’heures travaillées, heures supplémentaires, chômage partiel, modulation et récupération, annualisation…),

la flexibilité qualitative ou fonctionnelle (mobilité, polyvalence…),

l’externalisation (sous-traitance interne et externe, essaimage…), la flexibilité salariale (intéressement, rémunération réversible aléatoire, collective et individuelle…).

La logique de l’adaptation (ou de la flexibilité) concerne tous les domaines de GRH. Pour faire face à un environnement cahoteux et chaotique, l’entreprise devient agile.

La rapidité d’adaptation devient une préoccupation majeure des entreprises. Elle implique intelligence^ esprit d’initiative, aptitude à communiquer et à négocier,

La mobilisation

Pour une même technologie mise en œuvre, la productivité diffère fortement dans les entreprises du fait des différences constatées dans l’organisation de la production, dans la mobilisation des salariés et dans le développement et la mise en œuvre de leurs compétences,

La mobilisation repose sur une implication de la hiérarchie et sur sa capacité à motiver ses collaborateurs. Elle nécessite un climat social favorable et un réel dialogue social. Elle suppose également la construction de nouveaux liens sociaux entre les salariés et l’entreprise et le développement de la confiance organisationnelle.

L’homme n’est plus une contrainte mais un gisement de ressources. La performance de l’organisation résulte du développement et de la mobilisation des ressources individuelles.

L’anticipation

La croissance des «Trente Glorieuses» (1945-1974) permettait de concilier absence de gestion prévisionnelle et maintien des équilibres.

Elle gommaitles erreurs de gestion ettolérait une GRH au jourle jourpeu rigoureuse. Les « Quarante Douloureuses » (1975-2015) ont fait ressortir les risques liés à l’insuffisante anticipation.

Les années récentes ont été marquées par des changements rapides et un « stop and go » source de risque. Les écarts de croissance entre les pays et les continents se sont renforcés durantla crise.

En 2008-2016, l’Europe etla France connaissent une croissance plus faible que l’Asie, l’Afrique et l’Amérique du Sud.

Aujourd’hui, le manque de visibilité implique une démarche anticipatrice permettant de développer les capacités d’adaptation aux événements imprévus et à l’incertain. La réussite de la gestion à courtterme de l’emploi s’inscrit dans le cadre d’une gestion anticipatrice des compétences.

La maîtrise de la masse salariale s’inscrit dans le cadre d’une gestion stratégique des rémunérations. Le « court-termisme », qui caractérise les mesures d’adaptation quotidienne ne s’inscrivant pas dans une dimension stratégique, est une source de risque. Une gestion à court terme sans anticipation multiplie les dangers à moyen terme et comprometla survie de l’entreprise. La GRH s’inscrit dans une perspective de développement durable.

Le partage : « tous DRH »

La fonction éclate et se répartit dans l’organisation. Le DRH devient le promoteur d’un nouveau concept : celui de fonction partagée. La décentralisation de la fonction permet une adaptation rapide et pertinente; la personnalisation réelle des décisions de GRH et la mobilisation des salariés. Ce partage impose un important effort de sensibilisation et de formation de la hiérarchie.

Réussir la mobilisation, l’adaptation; la personnalisation impose une nouvelle répartition des tâches. Tout cadre exerçant une fonction de commandement participe à la GRH dans le cadre du partage de la fonction. « Tous DRH » devient un mot d’ordre pourles entreprises soucieuses d’efficacité et de développement.

Le manager de proximité participe directement à tous les actes de la fonction ressources humaines (RH). Il doit participer à huit missions :

  • choisir, c’est-à-dire définir les compétences; recruter; accueillir; intégrer ;
  • gérer l’emploi et les temps et; en particulier; prévoir l’évolution des emplois; développer la flexibilité; gérer les temps de travail et les salariés nomades ;
  • orienter, ce qui implique de définir les projets professionnels et d’orienter les choix de carrières de ses collaborateurs; les suivre, utiliser les bilans de compétences, favoriser la mobilité et évaluer les potentiels,
  • former en veillant à identifier les besoins de formation de ses collaborateurs, élaborer les plans individuels de formation ;(U
  • rémunérer, ce qui nécessite de mettre en œuvre une gestion stratégique des rémunérations, d’évaluer les postes, de connaître les politiques de rémunération globale et d’individualiser les rémunérations et les avantages non monétaires ;
  • mobiliser et, pour y parvenir, impliquer ses collaborateurs, animer et négocier et donc connaître les logiques et les modes d’action des syndicats, développer le dialogue social, négocier avec les partenaires sociaux; veiller, ce qui nécessite de construire le système d’information en matière de RH, avoir une vision stratégique des RH, dialoguer avec la DRH, affiner le savoir-être de ses collaborateurs, activer l’intelligence économique et stratégique de l’entreprise, auditer.

Ce partage ne peut réussir que si les DRH partagent eux aussi les attentes des managers et comprennent leur approche des affaires. Le RH est un « Business Partner » tout en étant le « Human Partner » garant du contrat social entre les salariés et l’entreprise. Le « RH de proximité » est le garant d’un partage réussi par sa proximité avec les managers et les salariés

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