La titrisation

II. Les méthodes d’évaluation et l’émission des parts

1. Les méthodes d’évaluation

    Un pool de créances étant constitué de plusieurs centaines de prêts hypothécaires, il est difficile de traiter toutes les informations relatives à chacun de ces prêts. Aussi, ils sont tous regroupés en un seul prêt synthétique, un seul échéancier avec un seul taux d’intérêt qui sera obtenu par la moyenne des taux des différents crédits pondérés par leur montant relatif au sein du pool.

Les caractéristiques du titre hypothécaire se révèlent être très proches de celles de toute obligation. Toutefois, s’agissant d’un pool de créances, il existe un risque de remboursement anticipé partiel et évolutif. Pour l’investisseur du titre hypothécaire cela revient à vendre une option de rachat au pair à tout moment. Un tel droit d’exercice entraine une sur-rémunération correspondant au prix implicite de l’option.

  L’évaluation de cette option ne relève pas du même principe que celui qui sous-tend la valorisation des options classiques de marches financières ; en effet, l’investisseur dispose d’un pool de créances auxquelles sont rattachées des calls ayant chacun sa propre  rationalité et logique financière. Diverses méthodes ont donc été utilisées afin de valoriser l’ensemble de ces options attachées  à chacun des prêts constituant le pool.

L’approche probabiliste et l’approche statistique constituent les méthodes les plus utilisées.

2. L’émission des parts

      Les parts sont des instruments financiers dont le montant est proportionnel à la quote-part de l’actif de FCC.

On en distingue plusieurs types :

  • Les parts «seniors » : dite parts prioritaires qui bénéficient d’un mécanisme de protection par l’existence d’une couverture de risque de défaillance sur laquelle s’imputent les premières pertes.
  • Les parts « juniors » : ne bénéficient pas d’un mécanisme et supportent le risque de défaillance du débiteur.
  • Les parts séquentielles concernent les FCC ayant plusieurs tranches de part de durée de vie différente et a remboursement successif. L’amortissement de la tranche la plus longue ne commence qu’après remboursement de la tranche la plus courte.

III. le montage de l’opération de la titrisation des créances

1. Sélection de portefeuille des créances

Il s’agit de constituer un portefeuille de créances homogènes destiné à être titrisées. Et avec l’absence d’une définition réglementaire de l’homogénéité il est convenu de titriser les crédits accordés pour des motifs identiques et des crédits ayant les mêmes types de bénéficiaires.

L’établissement cédant réalise une analyse bilancielle et procède à la sélection de créances à partir de données moyennes (coupons moyen pondéré, durée résiduelle moyenne pondérée, encours moyen).

Une fois le type de créance déterminé, la phase de sélection se poursuit par la réalisation de tris sur le portefeuille en fonction des critères suivants :

Critères de conformité à la loi : durée, créances saines …

Critères liés au montage : mode de gestion des créances.

Critères liés à la qualité des créances : faible dispersion des coupons, faible dispersion des maturités

En effet, la pratique a montré que le choix initial du portefeuille de créances est un élément très important dans une opération de titrisation car il détermine en quelque sorte sa réussite.

2. Modélisation de la structure

Le FCC opère une transformation des flux et des risques entre l’actif qui se compose de créances et le passif qui se compose de titres.

Les transformations réalisables à l’intérieur du FCC utilisent cinq principaux vecteurs :

  • Le transfert 

Consiste à transmettre les flux des créances aux souscripteurs sans entreprendre aucune modification des caractéristiques de ces flux

  • Le découpage séquentiel

Il s’agit de distribuer aux porteurs des parts les flux des créances en les répartissant sur plusieurs tranches dont les maturités se succèdent.

  • L’échange 

Après avoir modifié la nature des taux d’intérêts par l’établissement d’un swap de taux, les flux de créances sont distribués aux porteurs des parts (le swap permet de transformer un taux fixe en taux variable et inversement).

  • Le démembrement 

C’est la distribution des flux de créances aux porteurs sur au moins deux tranches de même échéance, donnant chacune le droit à différentes proportions de capital et intérêts.

  • Le changement de périodicité

C’est le fait de distribuer aux porteurs des parts les flux de créances après modification du mode d’amortissement du capital et ou la fréquence de distribution des coupons.

3. La phase de négociation

  •  Négociation avec l’agence de notation

Dès l’origine la notation et la titrisation ont été liées par les autorités publiques qui prévoient l’obligation de notation pour tout titre émis par un FCC .Cette notation constitue une estimation de l’espérance de la perte de ce titre. Pour les titres à long terme, la notation regroupe à la fois la probabilité de défaut et la sévérité de perte dans le cas d’une défaillance. Tandis que pour les opérations de court terme seul la probabilité de défaillance est prise en compte dans la notation.

La notation constitue pour l’investisseur un outil objectif et simple pour déterminer si le titre proposé correspond à sa politique de crédit. Ainsi, les listes d’achat sont généralement élaborées suivant des niveaux de notation prédéterminée.

La notation est aussi l’un des outils essentiel pour déterminer le prix d’émissions d’une opération de titrisation, si la note ne correspond en aucun cas à une opinion sur le rendement d’un titre, on constate toutefois que plus la note est faible, plus la prime de risque demandée par les investisseurs est élevé.

Néanmoins, la note n’est pas nécessairement le seul facteur qui a un impact sur la valeur de marché d’un titre.

En effet, la notation ne s’attache qu’au risque de crédit et ne prend pas compte d’autres éléments de risque potentiel du titre, par exemple le risque de réinvestissement en cas de remboursement anticipé, risque de gestion …

Noter un FCC revient à déterminer le niveau du risque final des parts émises par ce fonds et à apprécier si sa structure est à même de respecter ses engagements de paiement en fonction de son calendrier contractuel. Il s’agit donc, au regard de l’estimation du risque de défaut, d’identifier le montant des garanties à lui faire correspondre.

  • Négociation avec les rehausseurs de crédit :

Le rehaussement de crédits dans une opération de titrisation consiste à fournir une protection aux investisseurs contre les pertes probables résultant de défaut de débiteur.

Une garantie peut être tenue aux yeux des agences de notation, ou trop coûteux pour le cédant ; c’est pourquoi les modes de garanties sont variés.

  • La lettre de crédit 

C’est la technique de garantie la plus ancienne et la plus connue où l’établissement cédant qui possède une bonne notation peut faire bénéficier le FCC de cette notation par cet engagement de caution en sa faveur.

  • L’assurance

Ce mécanisme consiste à faire prendre en charge par une compagnie extérieure tout ou partie du risque de défaillance des débiteurs.

  • Le surdimensionnement : (the over collatéralisation)

Cette technique est rarement utilisée en Tunisie étant donné qu’elle est la plus coûteuse. Le FCC émet un montant de titres inférieur au volume des créances détenues .Celle-ci génèrent donc un surplus de paiement qui couvre les éventuels défauts.

  • La subordination

Ce type de garantie consiste à découper les parts émises en deux tranches : une ordinaire et une subordonné, pour couvrir les investisseurs contre le risque de remboursement anticipés .Cette forme de garantie est la forme la plus complexe.

4. Phase de validation

Certains aspects de la constitution et du fonctionnement du FCC sont obligatoirement contrôlés par les autorités publiques. Ces dernières doivent ainsi donner leurs agréments à la société de gestion sur laquelle repose une obligation d’information du CMF pendant le fonctionnement du fonds.

Par cet agrément, les autorités publiques s’assurent de la fiabilité de la société de gestion, et plus particulièrement, il apprécie tous les éléments du dossier en vue d’assurer la sécurité des opérations réalisées. Il tentera ainsi d’évaluer le dispositif financier qui va se mettre en place.

De plus, il va suivre l’évolution et le fonctionnement du fonds, toujours à travers l’action de la société de gestion.

IV. Avantages et inconvénients de la titrisation

1. Avantages de la titrisation

La technique financière de la titrisation présente les intérêts suivants :

  • Diversifier les sources de financement : la titrisation constitue une source alternative au financement bancaire ; elle permet à une entreprise de se financer par un recours direct au marché.
  • Réduire les coûts de financement : dans la mesure où la décision d’investissement est fonction de la qualité des actifs cédés, une entreprise qui ne serait pas en bonne situation financière pourrait toutefois lever des fonds à des conditions satisfaisantes.
  • Transférer totalement ou partiellement des risques liés aux actifs cédés aux investisseurs.
  • Améliorer la présentation du bilan : le refinancement des actifs de réduire les besoins en fonds de roulement et plus largement les capitaux engagés comptabilisés au bilan.
  • Faciliter le refinancement des institutions financières et des entreprises, et introduit de nouvelles sources de financement dont les unes et les autres tirent profit (la titrisation des crédits bancaires destinés au financement des LBO en est un bon exemple).
  • Diminuer le taux d’intermédiation et contribue à réduire le niveau des taux d’intérêt, ce qui exerce à long terme un effet favorable sur la croissance économique.
  • Prolonger et développe la révolution des produits dérivés. Les obligations ou les titres de créances émis par les véhicules de titrisation et adossés à des actifs sont en effet des instruments financiers dont la valeur dépend du prix de leurs sous-jacents (pour l’essentiel, des créances hypothécaires, des actifs bancaires ou des créances d’entreprises).
  • La titrisation permet à des opérateurs et à des sous-jacents qui n’en profitaient pas jusqu’alors de bénéficier des avantages offerts par les produits dérivés.
  • Fractionner et disséminer le risque de crédit de manière à ce qu’il puisse être pris en charge par des investisseurs individuels et institutionnels.

2. Inconvénients de titrisation

Les inconvénients d’une opération de titrisation sont en générale, faibles par rapport à ces avantages. Parmi ces inconvénients on peut citer :

  • la réduction de la qualité des actifs des initiateurs : Cette réduction apparait lorsque l’entreprise initiatrice d’une opération de titrisation utilise les meilleurs actifs son bilan pour être titrisés, une fois l’opération est effectuée, la qualité totale des actifs de cette entreprise va baisser et par suite sa notation va baisser, ce qui pose problème au cas où elle aura besoin de souscrire un prêt.

  • Les coûts engagés par une opération de titrisation : Comme on a vu, l’opération de titrisation est complexe et plusieurs acteurs entre en jeux, ce qui engendre des coûts élevés. Ainsi peuvent être facturés des frais de gestion, des frais juridiques, des frais de souscription, des frais de notation demandés par les agences, des frais d’administration du processus, etc. Cependant, tous ces coûts sont incorporés dans les titres nouvellement crées, ce qui engendre une sorte d’inflation sur le marché financier.

  • La taille minimale des entreprises : Pour entamer une opération de titrisation il faut que les montants émis soient suffisamment importants pour bénéficier d’économies d’échelle et rentabiliser l’opération. De fait, les petites et moyennes entreprises sont automatiquement éliminées de ce marché.

Conclusion

  La titrisation constitue un outil indispensable pour continuer à financer l’économie. On a entendu que la titrisation était l’origine de la crise des surprîmes, cependant ce n’est pas vrai car le responsable était la mauvaise qualité de portefeuilles mais pas la titrisation en elle-même.
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